Picot de “……”

Viper soft, Rasant chaos, Curl P4, Piranja, Octopus, Grass D Tecs, Pistol, Killer pro… : seuls les vrais savent…

Des revêtements aux noms guerriers. Parfumés, et frottés au soufre.  Adoptés par tous ceux, qui comme le colonel KILGORE aiment l’odeur du picot (et accessoirement du napalm), au petit matin.

Des plaques cauchemardesques pour l’éphèbe, l’adepte du beau jeu, le Pierce BROSNAN du ping. Posé de l’autre côté de la table, avec ses deux backsides >2mm, souvent boostés et/ou gommés. Mais le vrai tricheur, le sous-joueur, le mother fucker, c’est forcément l’Autre : l’être vil et méprisable, aux plaques crénelées, chevelues, ou à la bordure en brosse.

Il n’est même pas digne du qualificatif d’adversaire. Il est juste le son of a Bitch avec des plaques de «….. » (oui, tous les synonymes de matière fécale que tu connais fonctionnent).

Il est vrai que monsieur Picot n’est pas là pour enflammer le dance-floor. La moyenne des échanges avec lui avoisine le 1,25. Le public durant ses matchs, reste assis, et somnole, l’œil torve, des bâillements dans la glotte. Car sa principale activité est de s’appuyer sur les effets et la vitesse impulsés par son adversaire du jour. Il neutralise. Il anesthésie. Il annihile. Il détruit… En fait il pratique un ping-pong très moche. Mais il le fait bien. Consciencieusement.

Un match contre lui c’est l’éternel recommencement : Caïn contre Abel, le combat du Bien contre le Mal, Bip-Bip contre le Coyote…

Mais alors, bon sang, pourquoi avoir créé ce type de revêtement ?  Et bien, mon petit monsieur, parce que tout le monde a droit à une seconde chance. Et pas seulement dans les films américains.

Car tout le monde a le droit de gagner des matchs au ping-pong. Même les petits,  même les gros. Et plus encore, même les petits gros. Car tout le monde ne naît pas avec une cicatrice en forme de Z sur le front droit, ni avec des lunettes cerclées sur le nez. Tout le monde n’est pas plongé par sa mère dans le Styx, tenu par le tendon d’Achille ; et plus rares encore sont ceux qui en ressortent avec le physique de Brad PITT.

Oui  tout le monde mérite de gagner des rencontres et des trophées au ping-pong. Surtout ceux à qui on n’a  pas trempé la main, ni le poignet, dans l’eau bénite, à la naissance.

Et c’est pour toutes ces raisons que des créateurs inspirés, que leurs détracteurs traiteront de machiavéliques et d’invertis (probablement des anglais), bref, des designers de génie, ont inventé des picots longs, mi-longs, des softs,  et des anti-tops.

Des types extraordinaires. Qui auraient pu, et dû, postuler au prix Nobel. Pour avoir redonné une nouvelle vie à tant de joueurs perdus.

Mais comme l’a déjà écrit Simone de BEAUVOIR, on ne naît pas picoteur. On le devient !

Ça commence, comme dans tous les mauvais contes de fée par deux backsides. Puis par un entraîneur qui va commencer à t’administrer des anti-épileptiques durant quelques mois pour tenter, en vain, d’améliorer ta gestuelle désordonnée et inefficace. Après quelques mois, il  hésite encore à te faire entrer dans un SEGPA, à te réorienter vers le Mikado, ou à t’envoyer consulter dans un service de rééducation psycho-motrice.

Jusqu’à l’idée de génie. Le tir à trois points de la dernière chance : il t’envoie consulter un praticien. Mais coup de bol, c’est le docteur NEUBAUER !!!  Le doc te colle une de ses plaques magiques sur le revers, ou dans le coup droit. Ou des deux côtés. Dans les cas vraiment désespérés.

Et là, c’est le miracle.

Tu ne dépassais jamais 5 points. Et désormais, de manière extraordinaire, tu arrives à 11 avant ton adversaire. Comme dans un rêve.

Mais il te faut néanmoins apprivoiser cet outil du Diable, cette plaque de caoutchouc démoniaque. Bref, créer des liens avec elle. Comme le petit Prince avec le Renard. Car Antoine de SAINT-EXUPERY, ton premier entraineur te l’a dit : « Tu es un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et le picot n’a pas besoin de toi.. Mais si tu l’apprivoises, vous aurez alors besoin l’un de l’autre. Tu seras pour lui unique au monde. Et il sera pour toi unique au monde…».

C’est beau. C’est bien dit… On le savait déjà, l’essentiel est invisible pour les yeux. On ne voit bien qu’avec le cœur…Mais bref, il te faut désormais travailler. Et tu découvres que ta gestuelle de pantin désarticulé devient brutalement un atout. Ainsi que ta position d’attente de grenouille.

Tu explores également des pans entiers de la face noire de l’âme humaine. Et d’une discipline qui t’était jusqu’alors inconnue : la psychiatrie. Car tu remarques que tes adversaires se mettent à pleurer. A parler aux murs. A hurler même. Shootant les sépas, fracassant leur raquette contre la table. Tu deviens le Sigmund FREUD du bloc coupé, le Jacques  LACAN de la balle flottante et dégueulasse. Tu comprends que ces plaques magiques dévorent certes la balle, mais avant tout, et surtout, le cerveau de tes adversaires.

Tu commences alors à regarder des documentaires sur les araignées. Ces insectes supérieurs te fascinent désormais. Comme elles, tu te mets à tisser des toiles, lentement. Dans lesquelles tu attends que tes adversaires du jour viennent s’engluer, comme les papillons au printemps. Tu découvres la patience. Comme le crocodile tapi au fond de la mare. Tu détectes et analyses les failles du joueur d’en face. Tu appuies dessus, et tu t’engouffres lentement dans les béances et les trous noirs de sa technique pongiste, forcément imparfaite. Puis, une fois que ton adversaire a définitivement perdu la raison et son ping-pong, lentement tu t’approches. Pour mieux finir de lui aspirer la cervelle. Avec une paille.

Tu investis dans un serre-tête éponge. Et tu développes une seconde membrane tympanique, que tu actives à bon escient, pour ne plus entendre les insultes du joueur d’en face. Par contre ses pleurs et ses chialeries te galvanisent. Et te font jubiler… Tu portes de petites lunettes rondes, cerclées de métal. Que tu prends plaisir à te remonter sur le nez à chaque point gagnant. Et à essuyer dès que tu as pris 3 points d’avance. Pour laisser un peu plus de temps à ton adversaire pour mijoter et ruminer.

Tes mains deviennent moites. Tu commences à onduler devant la table comme un serpent. Chez les plus doués, des écailles peuvent même commencer à pousser sur la peau. Certains au stade ultime peuvent même se mettre à parler le fourchelangue. Mais là on frise alors la perfection…

 

Alors oui, c’est vrai, on l’admet volontiers, monsieur Picot n’est pas un créateur. Ni un esthète.

Sa technique est souvent sommaire. Primitive. Apprise en solitaire, comme un Robinson sur son île de détresse pongistique. Il utilise des plaques probablement préparées dans les cuisines des Enfers.

Mais remarque bien que grâce à elles, tous les physiques et tous les psychismes peuvent s’exprimer derrière une table de ping. Avec elles, tout le monde a sa chance.

Le picot c’est l’outil égalitaire par excellence. Un mix de travail, d’intelligence, de ténacité, de roublardise, et d’un peu de filsdeputerie… La quintessence du ping-pong en fait.

Leur présence est indispensable au paysage pongiste. Comme le Yin a besoin du Yang.

Monsieur Picot est le croque-mitaine. Il est là pour terroriser les enfants de moins de 50 ans. Il est même parfois leur pire cauchemar…. Mais il est tout à la fois la maladie, et le remède.

Car s’il est là pour permettre à tous les Tom CRUISE du top spin de briller et de flamber derrière la table.  Il est aussi là, souvent, et avant tout, pour dégonfler leurs poussées d’hydrocéphalie.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.